Alors que massacres et violences se multiplient au Sahel, il est urgent que les Etats de la région et la communauté internationale privilégient dans leurs réponses la lutte contre les inégalités, souligne aujourd’hui Oxfam dans un nouveau rapport “ Sahel : lutter contre les inégalités pour répondre aux défis du développement et de la sécurité ” publié la veille d’une réunion à Paris regroupant les ministres des Affaires étrangères et du développement des pays du G7 et du G5 Sahel et alors que l’Alliance Sahel et le G5 Sahel se réunissent à Bonn
Les crises auxquels fait face le Sahel, qu'elles soient sécuritaires, humanitaires ou environnementales, prennent aussi racine dans les inégalités et un sentiment d’injustice profondément ancrés dans les sociétés sahéliennes. Ces inégalités minent aujourd’hui dangereusement le vivre ensemble et se traduisent en tensions et violences à répétition.
Pour Adama Coulibaly, Directeur Régional d’Oxfam en Afrique de l’Ouest : “Ce nouveau défi sécuritaire se superpose à des enjeux de développement préexistants. En effet, et malgré des avancées importantes, le Sahel reste une des régions les plus pauvres du monde où la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable et qui a connu la plus forte augmentation de l’insécurité alimentaire chronique ces dix dernières années. Le Sahel est également une des régions du monde la plus exposée aux inégalités climatiques. Pour des Etats sahéliens souvent fragiles et aux ressources limitées, ce double défi doit amener à une nouvelle approche axée sur la lutte contre les inégalités.”
Dernièrement, l’augmentation des dépenses sécuritaires des gouvernements sahéliens mettent gravement en péril des budgets sociaux déjà fragiles et sous financés au moment où ils sont les plus nécessaires pour s’attaquer aux inégalités.
Pour Oxfam, les Gouvernements de la région doivent s’engager davantage dans la lutte contre les inégalités. Cela doit notamment passer par une refonte des politiques fiscales, souvent régressives et affectant de manière disproportionnée les plus pauvres alors que les exonérations fiscales pour les entreprises, notamment étrangères, se sont multipliées ces dernières années.
Il est également urgent de réinvestir dans les politiques sociales pour construire des services publics d’éducation et de santé de qualité et accessibles à tous. Car si des progrès considérables ont été atteint (la scolarisation des filles a triplé au Niger en 30 ans et la mortalité maternelle a baissé de moitié au Burkina Faso depuis les années 1990), les disparités d’accès à ces services demeurent extrêmement marquées, en particulier entre femmes/hommes, entre urbains/ruraux et entre riches/pauvres.
Le fossé se creuse et le sentiment d’injustice s’accroît au Sahel. La multiplication de mouvements citoyens dans lesquels la jeunesse s’investit massivement, sont de puissants témoignages des désirs des population pour le respect des droits, à plus de justice, de transparence et de redevabilité.
“Nous constatons une restriction inquiétante de l’espace civique, déjà limité. Au Niger, en 2018, cela s’est traduit l’arrestation des organisateurs de la Journée d’Action Citoyenne de mars 2018 qui protestaient contre les nouvelles mesures fiscales favorisant les multinationales. Au Tchad, c’est la censure des réseaux sociaux qui perdure depuis plus d’un an,” raconte Adama Coulibaly.
“Cette tendance est inquiétante. La jeunesse représente la majorité de la population sahélienne et l’avenir de la région. Il faut rétablir la confiance en reconnaissant la place des jeunes et des citoyennes dans le contrôle de l’action de l’Etat et leurs droits à participer à la vie publique.”
Face à ces multiples défis, le G5 Sahel et l’Alliance Sahel doivent repenser leurs approches. D’une part, le G5 Sahel doit fortement renforcer les dimensions de développement et de gouvernance de son action, et d’autre part, l’Alliance Sahel doit assurer une véritable coordination de l’aide au développement pour le Sahel et renforcer les efforts communs pour élaborer et mettre en place de véritables politiques publiques de qualité, sous le leadership des Etats.
De plus, cette année, la France veut mobiliser autour du Sahel dans le cadre de sa présidence du G7 qu’elle a dédiée à la lutte contre les inégalités dans le monde. Le G7 doit traduire son discours de lutte contre les inégalités en actions et instruments concrets pour répondre à l’urgence et apporter des réponses durables en s’attaquant aux causes structurelles des vulnérabilités des populations sahéliennes. “ Il y urgence au Sahel. Les efforts de tous les acteurs nationaux, régionaux et internationaux doivent prioriser la lutte contre les inégalités, en réorientant l’aide au développement vers cet enjeu et en remettant la dimension humaine de la sécurité au cœur des initiatives.”
Contact
Claire Le Privé | Dakar, Senegal | Tel: (+221) 78 140 47 93 | claire.leprive@oxfam.org
Pour des informations de dernière minute, suivez-nous : @Oxfam
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